Opinion : La RD Congo est-elle un État laïc ou religieux ?

Opinion : La RD Congo est-elle un État laïc ou religieux ?
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Bien de faits et comportements sociétaux liés à une certaine idéologie religieuse ambiante, édictant au passage des règles de pensée et de conduite dans notre pays, m’imposent une lecture et une sommaire analyse de notre société qui, à cette occasion, se limitera aux points essentiels qui se serviront – le cas échéant – de base à un développement ultérieur plus approfondi. C’est à se demander si la Nation congolaise est un État laïc de forme ou plutôt un État religieux de fait ? Dès lors que son fonctionnement sociétal semble n´être que duplicité entre ces deux embarrassantes alternatives.

Pourtant, la question semble avoir assez peu d’importance et suggère même une ignorance du rôle des dénominations religieuses et de notre propre constitution qui régit la République Démocratique du Congo. Ainsi donc, en ce qui concerne ladite Constitution, en son article premier, dont il y a lieu de reprendre ici son premier paragraphe pour lever toute équivoque, elle stipule ce qui suit : « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un État de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc ». Voilà, le mot est clairement couché en lettres d’or. Nous sommes donc un État laïc… de forme, à mon avis. Ce doit l’être de fait, c´est-à-dire totalement dépourvu de toute influence religieuse dans ses prérogatives régaliennes.

Pour ce qui est de la religion, l’influence religieuse depuis la nuit des temps a toujours guidé les hommes dans toutes les sociétés du monde. Et lors de l’émergence de nouveaux États-Nations en Europe dû à la chute de l’Empire romain d’Occident en 476, suscitée par les Ostrogoths qui dépossèrent son dernier empereur, ce fut l’Église que Constantin I avait fondé en s’accaparant des communautés chrétiennes éparses, c’est-à-dire des peuples christianisés, qu’il unifia sous son autorité pour raffermir son pouvoir politique, ce fut donc l’Église qui, disais-je, resta la seule organisation merveilleusement structurée de l’empire demembré où, l’autorité des évêques prévalait sur celle des officiers ― devenus militairement puissants ― qui allèrent chacun de son côté fonder un royaume. Bien évidemment, sous la bénédiction de l´Église qui s´assurait ainsi de les convertir au catholicisme.

Ainsi, en parcourant l’histoire européenne, on peut noter à quel point tous ces royaumes qui émergèrent ça et là sur les ruines de l´Empire romain d´Occident, dépendaient tout au début du bon vouloir de l’Évêque de Rome, chef de l´Église catholique (renommé plus tard Pape). De toute façon, l’homme ou la femme, disons mieux l’humanité, étant spirituelle en ce qu’elle croit au surnaturel, ne peut que se plier aux recommandations religieuses prétendûment divines ; divines, elles les sont devenues par la divinisation des lois et coutumes qui, jusqu’alors, n’empiétaient pas sur la marche de la gestion d’une communauté, du moins dans nos sociétés traditionnelles d’avant l’intrusion d’un autre modèle de pensée divine. La spiritualité n’était pas contraignante, elle aidait plutôt à la perfection pour celui qui le souhaitait, laissant la gestion de la contravention, du délit et autres crimes au pouvoir terrestre si l’on peut employer ce terme pour une meilleure compréhension.

C’est d’ailleurs par cette intrusion du domaine spirituel au domaine physique que nous avons expérimenté par la philosophie religieuse d’origine étrangère au monde africain, où le spirituel a pris le dessus que le terme laïc a surgi de la révolte pour dissocier les deux domaines et rétablir l’équilibre. Parce que dans les sociétés d’où sont venues ces idéologies religieuses, elles ont été la matrice, l’émanation d’une pensée despotique. Certes, ces sociétés se sont à la fin débarrassées de cette chape de plomb qui les maintenait prisonnières, comme décrit ci-haut. Ainsi a-t-on connu le phénomène de l’État laïc ; et lorsqu’on reconnaît un État laïc, on est obligé de croire qu’il existe un État religieux.

À première vue, on est porté à penser qu´au royaume des Cieux dont le gouvernement s’établira un jour sur la terre, mais l´on s’aperçoit toutefois qu’il en existe déjà un physiquement. Et c’est le cas de l’Église catholique romaine avec toutes ses structures d’un État-Nation ; elle en a été le tout premier dans le monde, et n’en est plus la seule de nos jours. Nous en reviendrons. Et on ne peut nier qu’elle est plus forte que certains États du monde, le pouvoir qu’elle détient depuis des siècles, et même si elle a perdu un peu de sa magnificence, il n’en demeure pas moins qu’elle exerce une influence suffisamment grande à travers ses adeptes dans presque chaque pays du monde.

Revenons-en donc au contexte de la RD Congo dans sa duplicité …

Dans le cadre de notre réflexion, c’est-à-dire dans la sphère congolaise, nous revenons sur les États religieux qui existent et qui gouvernent notre peuple : ce sont par déduction les florissantes et foisonnantes dénominations religieuses. Il est vrai qu’on ne peut formellement pas parler d’États en parlant de ces communautés religieuses, mais elles constituent néanmoins des sortes de micro-États dans l’État congolais. Or, un État aussi minime soit-il dans un autre État, démontre la faiblesse de l’État formel qu’est la RD Congo dans le cas d´espèce. Et ceci, dans la même logique que celle qui ruine l’économie nationale d´un pays donné, lorsque de la fausse monnaie en circulation dans son système financier prend le dessus sur la bonne. Ainsi donc, l’État informel incarné par ces innombrables dénominations religieuses qui pullulent notre société, constituent pour ainsi dire le parasite qui suce la substance nationale, c’est-à-dire l’intelligence rationnelle ou la force de la pensée productive et progressiste et la puissance financière des individus et de l’État formel lui-même qui, à terme, en font les frais. Hélas ! C´est bien là la triste réalité que vit la société congolaise de nos jours. 

Sans compter qu’elles contribuent à la paresse de certains individus qui pour eux, la vie terrestre ne vaut pas la peine d’être vécue et s’attendent au paradis, ― c’est de bon droit ― mais qui néanmoins survivent physiologiquement grâce au travail des autres. Elles sont d’autant plus dangereuses pour l’État, ces dénominations religieuses, qu’elles sont devenues puissantes financièrement et possèdent l’esprit du peuple dans leur gibecière à travers leurs écrits et prêches tant moralisateurs que mobilisateurs. Elles sont en mesure de lancer une fatwa(1), sans la publier formellement ― elles n’en sont heureusement pas encore là, que Dieu les en préserve ! ― contre des individus qui oseraient, de leur point de vue, toucher aux soi-disant « oints de Dieu »,en les remettant en question, ou en constetant leur autorité morale supposée pourtant être « sacrée et de droit divin ».

De ce qui précède, je ne peux malheureusement pas cautionner intellectuellement la forme laïque que l’État a codifiée dans la Constitution, même si je dois la subir, dans la mesure où peut-être le constituant n’avait pas pensé à cet aspect étant lui-même un religieux ou s’attend, cela va de soi, à ce que les animateurs de la République concrétisent ou affermissent la loi fondamentale. La réflexion mérite une discussion. Mais alors, qu’est-ce que je préconise ? À mon avis, l’État doit vraiment être laïc pour ne pas dire anticlérical, et résolument engagé dans la marche vers le progrès et la prospérité de ses habitants, tout en leur garantissant une justice sociale, et le cas échéant, parer à toute quelconque influence des religions ou du « clergé » dans les affaires purement publiques.

Il ne s’agit pas ici, l’on s’en doute sûrement, d´une déclaration de guerre ni d’interdire à ces dénominations religieuses d’exister. De toute façon, personne ne le pourra ni ne le voudra et ce sera contraire à la liberté religieuse dont l´État et les services publics sont cencés observer face à toutes les religions et à toutes les croyances. Mais il sera là plutôt question de veiller à ce que celles-ci participent physiquement aussi à l’essor de la Nation congolaise par le paiement des impôts tout comme leurs ouailles paient l’impôt avant de contribuer à l’épanouissement de leurs communautés religieuses respectives.

Les exonérations fiscales sur les donations, les legs et autres provenant des partenaires religieux locaux ou étrangers doivent être réduites et soumises à un contrôle strict sur les données déposées dans les institutions de référence, en plus d’un dépôt de bilan. L’argument selon lequel la religion participe à l’épanouissement moral de l’individu ne suffit pas et ne tient pas debout devant la recrudescence de la malfaisance dans le pays et dans le monde à travers les siècles.

Une autre argumentation expose les œuvres que certaines communautés religieuses à l’instar singulièrement de l’Église catholique romaine dont les réalisations sociales ne pourraient être occultées, ainsi que bien d’autres. Nous en convenons, mais d’où est venu l’argent ? Et dans quel dessein ? Nous savons qu’aucun missionnaire ou un étranger, moins encore un colon ou qui que ce soit, n´ait investi pour les beaux yeux des populations aujourd’hui congolaises dont ils coupaient autrefois les mains, exposaient les corps dans des musées européens comme des chimpanzés au zoo et reduisaient en esclavage d’autres qui peuplent aujourd’hui les Ameriques et les Caraïbes.  

Seul un État fort et responsable dont les dirigeants sont conscients de la problématique peut réduire le cycle de la violence et de l’impunité par les lois de la République. Par impunité, j’entends aussi tous ces nouveaux pasteurs, jadis satanistes de par leurs propres aveux, qui donnent des détails probants, suffisamment clairs fort pour déclencher une enquête judiciaire sur les morts dont ils s’en enorgueillissent d’avoir immolés sur l’autel de la puissance financière, de la gloire spirituelle et politique et de la méchanceté pure et simple.

Ma préoccupation sur l’État religieux de facto en RD Congo est motivée, on l’a vu, par la puissance et la confiance que les ouailles accordent à leurs dirigeants religieux plutôt qu’à l’État, ― on ne peut leur en vouloir ―, suite à la faiblesse de ce dernier, à l’abandon de ses charges régaliennes, puisque ces dirigeants eux-mêmes ont des difficultés de se libérer de cette tutelle écclesiastique pour les uns et spirituelle pour les autres. Cette puissance a plus d’une fois montré ses preuves lors des pourparlers, négociations, dialogues et autres protestations civiles contre des régimes politiques dans le pays.

La plus éloquente expression de leur pouvoir au sein des institutions nationales et une des preuves de la faiblesse de l’État et de son abandon de sa charge d’organiser des scrutins sont : la cession de l’autorité étatique en matière de l´organisation des élections nationales aux dénominations religieuses en ce qui concerne par exemple la constitution du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et l’existence de cette institution dite « d´appui à la démocratie » elle-même.

De ce qui précède, il n´a nullement été question dans nos lignes du mépris de la religion, car la plupart des Congolais sont croyants, et moi y compris. Cela ne pourrait donc pas donner lieu à toute autre argumentation dénuée de fondement et contraire à l´esprit de cette sommaire analyse. Étant donné que les religions sont d´une grande valeur spirituelle et morale dans la construction, la stabilité et la pérennité de toute société. L’humanité par sa conscience a érigé des normes, des lois pour harmoniser le vivre-ensemble en tenant compte de son évolution ; il ne faudrait donc pas qu’on inverse les rôles et que chaque composante de la société garde pour ainsi dire sa bande de conduite. Bref, il faut donc que la ligne de séparation entre les Églises et l´État soit très clairement définie, en vue d´une laïcité garantie et sans équivoque. Jésus Christ n´avait-il pas lui-même répondu aux Pharisiens, partisans de la stricte observance de loi juive : Rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ?

Autrement, l´on risquerait de revenir plusieurs siècles en arrière où la sainte Église triomphante et par-dessus tout infaillible, à travers les rois laquais, dirigeait par la volonté de Dieu. C’est-à-dire, en s´imposant par des lois prétendument divines, intangibles, donc figées et de surcroît despotiques, qui faisaient tomber les laquais au gré de ses intérêts.

Bababebole Kadite

Norvège, 18/11/23

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  1. Fatwa – mot d’origine arabe-, décret musulman sur un sujet donné. Il a été employé par l’Imam Khomeini contre Salman Rushdie pour son livre Les versets sataniques.

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